Pour des institutions-papillons

Après 27 années d’activités, comment se positionne le cabinet TRIGONE animé par Pascal Bély, consultant et enseignant à l’Université d’Aix-Marseille et à l’Institut Régional en Travail Social PACA-Corse? Souvent qualifié de cabinet atypique, nous avons cherché le sens de ce qualificatif en reliant les projets institutionnels accompagnés et les ressources formatives proposées.

L’objectif est de reposer les fondations théoriques et méthodologiques alors que nous entrons dans une crise économique, sociale et environnementale sans précédent parce qu’elle met en tension les structures, la culture et les finalités.  

Les institutions-papillons.

La métaphore du papillon est régulièrement utilisée pour signifier la métamorphose. Dans une tribune du journal “Le Monde” datée du 9 janvier 2010, Edgar Morin en faisait l’éloge: “Qu’est-ce qu’une métamorphose ? Nous en voyons d’innombrables exemples dans le règne animal. La chenille qui s’enferme dans une chrysalide commence alors un processus à la fois d’autodestruction et d’autoreconstruction, selon une organisation et une forme de papillon, autre que la chenille, tout en demeurant le même. La naissance de la vie peut être conçue comme la métamorphose d’une organisation physico-chimique, qui, arrivée à un point de saturation, a créé la méta-organisation vivante, laquelle, tout en comportant les mêmes constituants physico-chimiques, a produit des qualités nouvelles. » À l’image de la transformation de la chenille, TRIGONE accompagne au sein des institutions la création de méta-organisations pour qu’émergent, par une approche systémique, des qualités nouvelles, illisibles lorsque prédomine une culture de l’hyperspécialisation. Celle-ci, associée à des process de contrôle, déshumanise les organisations, structure durablement la communication par l’affect d’autant plus qu’elle réduit la pratique professionnelle à des faits déconnectés de leurs finalités.  Nous proposons trois méta-organisations :

  • Le groupe-ressource : il est composé de professionnels de tout statut identifiés comme « ressource » car ils facilitent la communication. La finalité de ce groupe est de penser le décloisonnement de l’institution, de proposer des stratégies d’accompagnement au changement, d’expérimenter de nouveaux processus de communication. TRIGONE accompagne sa dynamique tout en l’étayant théoriquement et méthodologiquement. À l’issue de ce travail, un projet global émerge.
  • Le groupe-projet:  il est composé de manageurs et de professionnels de terrain qui désirent mettre en dynamique leur projet institutionnel. Souvent réduit à un document à destination des tutelles, l’enjeu est de transformer le projet écrit en écrits de projets. Ce travail permet de s’approprier les finalités de l’institution et de les relier à sa pratique. TRIGONE accompagne le travail du projet par des allers-retours continus entre visées, pratiques professionnelles individuelles et collectives. Il est fréquent que le consultant s’associe à un(e) chorégraphe pour interroger les finalités du projet par le langage du corps ce qui permet d’y inclure les pratiques d’accompagnement. Ainsi, faisons-nous corps avec le projet…
  • Le groupe-réseau: cette dénomination permet d’associer le travail de mise en réseau à la dynamique de groupe. Aujourd’hui, trop de réseaux ne sont que des espaces de communication descendants, où l’on rationalise l’information et où les finalités, le sens se réduisent à des schémas opérationnels totalement inopérants. Le groupe-réseau vise à mailler la communication par un travail des finalités et des valeurs. Peu à peu, les interactions se font plus fluides, des articulations innovantes émergent. Le réseau n’est plus une structure hiérarchisée, mais un espace pour penser la complexité.

Ces collectifs relient des acteurs souvent séparés et qui se (re)trouvent pour penser l’institution, le service, le réseau, comme autant d’unités complexes qu’il faut relier pour qu’émerge des finalités larges et une nouvelle culture.

Progressivement, notre accompagnement permet à la communication descendante de s’articuler à des processus circulaires (communément appelés feedback) qui, peu à peu, permettent à la régulation, à  l’évaluation de construire un système d’accompagnement durable. Une éthique sur la conduite du changement traverse les questionnements des manageurs et des professionnels de terrain. Le travail des processus de communication par les finalités est identifié peu à peu comme essentiel, vital.

Ces méta-organisations sont une réserve de valeurs, une réserve de liens à créer. La référence continue au jardin souvent proposé par les professionnels, évoque le principe des réserves naturelles où l’on prend conscience de l’importance des interactions, des effets papillon et des rejaillissements sur les territoires connexes, pourtant non concernés par les mesures de protection (à titre d’exemple, la réserve de Port-Cros dont la sanctuarisation permet de mesurer après plusieurs décennies le retard de la région PACA dans la préservation de ses espaces naturels).            

Nous pensons que les organisations et les personnes souffrent parce que cette réserve n’existe pas, parce que le travail du sens est menacé d’extinction. L’enjeu pour les institutions est de créer cette réserve, cette zone de sens. Nous proposons souvent qu’elle soit dédiée à la culture, pour faire culture par la culture, pour mettre en culture l’institution via ses différents organes, sans préjuger à l’avance des résultats (référence à l’invention accidentelle de la pénicilline qui nous rappelle qu’il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir d’émergence des initiatives apparemment anodines!). 

TRIGONE est une réserve. Sa biodiversité est nourrie par  la singularité des projets de ses clients et par les liens qu’il ose créer entre eux à travers les réseaux bambous et les cursus méta-phare. A suivre…

Pascal BélyAoût 2020

2 Comments

  1. J’ai eu la chance de rencontrer Mr Bély en master 2 consultant coach en 2017 à Lambesc. Sa façon d’animer ses interventions fait sens aujourd’hui, à l’époque il parlait de l’université du processus, je ne comprenais pas de quoi il s’agissait, avec du recul j’ai compris et repérer que son approche nous permettait de nous distancier de notre pratique et qu’elle nous amener à changer. L’article ci-dessus verbalise mon vécu pendant cette formation. Merci Monsieur Bély

    1. Bonjour Valerie,
      Merci pour votre retour. Cette Université du processus est le « grand projet » que je tente de faire vivre à travers mes différentes missions. C’est engageant pour tous les acteurs. Certains lâchent pour s’orienter vers les approches fumeuses du développement personnel, d’autres ont le courage d’engager leur institution. La crise du COVID19 révèlent bien des stratégies!

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